Pourquoi la translocation mérite-t-elle un encadrement nécessaire aujourd’hui ?

Margaux Julien, Docteure et chargée du pôle R&D d’Ecotonia, a étudié la complexité de cette démarche pendant plusieurs années à travers sa thèse : « Translocations végétales : bilan des connaissances, expérimentation et optimisation ».

Financée par Ecotonia, cette thèse a entrevu plusieurs champs d’expérimentations pour apporter un renforcement méthodologique et concret à la démarche déjà démocratisée. L’enjeu ? Légitimer son importance avec une démarche scientifique renforcée à l’appui.

Individu d’hélianthème à feuilles de Marum transplanté © M. Julien, Ecotonia

La translocation végétale est le déplacement volontaire de matériel végétal d’un site ou d’une collection dans un site naturel ou semi-naturel. Cette pratique de plus en plus fréquente peut être entreprise de façon volontaire, souvent dans le cadre de programmes de conservation, mais aussi de façon réglementaire, en application de la législation obligeant à répondre aux impacts sur la biodiversité engendrés par certains projets d’aménagement.

Dans de nombreux pays, comme en France, lors d’un projet d’aménagement, il est en effet nécessaire de proposer des mesures permettant dans l’ordre d’éviter, de réduire et de compenser les impacts des travaux d’aménagement sur les populations impactées d’espèces protégées. Dans la réglementation française actuelle, les translocations sont souvent proposées en accompagnement de la séquence ERC.

J’ai réalisé cette thèse financée par un bureau d’études en environnement qui est régulièrement confronté aux translocations végétales réglementaires, ce qui m’a permis d’acquérir une meilleure vision de cette pratique, des liens entre acteurs et des différents enjeux. L’objectif principal de cette thèse est d’améliorer la pratique de la translocation en se plaçant dans une posture de recherche-intervention, et en réalisant un bilan des connaissances des translocations en France, mais aussi en expérimentant et optimisant des protocoles de translocation sur deux cas d’études.

Dans un premier axe, nous étudions la perception des acteurs de l’environnement en France au sujet de la translocation, la qualité des protocoles proposés pour les translocations réglementaires ainsi que le suivi mis en place après translocation. Ces acteurs ont un avis assez mitigé sur la translocation (avis mitigé chez toutes les catégories d’acteurs). Cette perception peut être justifiée, puisque nous avons ensuite montré que les protocoles des translocations réglementaires manquent de détails sur l’écologie des espèces et sont globalement de mauvaise qualité. De plus, nous avons aussi montré que les suivis sont peu effectués plus de 5 ans après la translocation, et le partage d’expérience est rare.

Dans le second axe, nous avons étudié deux cas de translocations réglementaires proposées en anticipation d’un projet d’aménagement. Nous proposons différentes méthodes pour améliorer les connaissances sur une espèce et pour optimiser un protocole de translocation.

Sur le premier cas ciblé sur Helianthemum marifolium, nous nous concentrons sur la phase pré-translocation afin d’acquérir suffisamment de connaissances et de développer une phase ex situ où les individus sont mis en culture.

Dans le second ciblé sur l’espèce Serapias neglecta, nous optimisons un protocole de translocation par l’expérimentation sur un petit nombre d’individus, en prévision d’une opération de plus grande ampleur. Il est donc important d’étudier cette pratique et d’améliorer fortement sa mise en œuvre.

Nous proposons différentes actions d’améliorations, certaines pouvant être mises en œuvre à l’échelle d’un bureau d’études, et d’autres nécessitant une prise en main du sujet par l’état. Ces améliorations sont les suivantes : anticiper les impacts lors d’un projet d’aménagement, mieux intégrer le caractère expérimental d’une translocation, financer la recherche-intervention, permettre la mutualisation des translocations, coupler la translocation à des mesures de gestion, partager ses retours d’expériences et créer une liste d’espèces rédhibitoires.

Extrait de « Translocations végétales : bilan des connaissances, expérimentation et optimisation », Margaux Julien, Ingénieur pôle R&D, Ecotonia

Exemple en images qui retrace l’expérience que nous avons mené sur la translocation de l’hélianthème à feuilles de Marum, pour la carrière de Châteauneuf :

[Biodiversité en carrière] Ep. 4 – Les carrières au service de la science © UNICEM PACA,
M. Julien, Ecotonia

Pour aller plus loin :

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